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386 résultats pour “patient idéal

Démence et chirurgie à haut risque

Publié le par Louis Lacaze

Démence et chirurgie à haut risque

Devant un patient âgé et dément qui présente une fracture de hanche, le chirurgien se trouve face à un dilemme : doit-il opérer et accepter le risque de voir apparaitre des complications, de la souffrance, un état confusionnel postopératoire ? Est-il préférable de ne pas opérer ?

Une opération est considérée à haut risque à partir de 1% de mortalité et la chirurgie orthopédique est classée parmi les spécialités à risque. Par ailleurs, une équipe de chercheurs a pu noter que 8% d’un corpus de 6 800 patients étaient déments, ayant un risque de mortalité à 90 jours exceptionnellement élevé, davantage de complications majeures pendant l’opération, un séjour plus long à l’hôpital, un risque de se retrouver en établissement d’accueil deux fois plus élevé que pour les seniors non déments.

Quand un dossier arrive sur le bureau du chirurgien, il peut avoir déjà transité dans plusieurs services avant l’opération. Il sait que le patient a de fortes chances de décéder mais il peut penser que l’opération aura été une sorte de soin palliatif lui évitant le recours aux médicaments antidouleur. Envisager un éventuel changement de décision est difficile, surtout si on rencontre le patient pour la première fois. Par ailleurs les auteurs ont pu noter que d’un chirurgien à un autre les conceptions du risque étaient si différentes qu’il n’était pas possible d’en tirer une règle fixe.

Les invités de Geripal  suggèrent d’associer le patient et les familles à la prise de décision, de prendre en compte les directives anticipées si la personne n’est plus en mesure de s’exprimer. Ils exposent les risques de l’opération, décrivent l’état du patient après l’opération dans le meilleur des cas, le pire, le plus fréquent. Doit- on prolonger la vie au maximum avec les risques que cela comporte ou préserver un élément important pour le patient tel que la possibilité de marcher le plus longtemps possible?

Les avis des patients peuvent parfois manquer de réalisme. Un professeur de médecine met en garde ses étudiants ainsi : un amoureux éconduit demande à la belle indifférente quelles sont ses chances d’être un jour accepté. « 1 sur 100 ? » la belle répond : « moins». Il insiste : « 1 sur 10 000 ? » la belle : « non, plutôt 1 sur 1 million ». L’amoureux conclut : « j’ai donc une chance ». De même certains patients vont s’agripper à la moindre lueur d’espoir.

Commentaires de Bernard Pradines. En France, la désignation d’une personne de confiance et la rédaction de directives anticipées viennent surseoir à la difficulté de connaitre les volontés exprimées préalablement par la personne handicapée cognitive. Elles sont encore peu usitées. La famille, y compris la personne de confiance n’ont pas légalement de rôle décisionnel mais seulement consultatif. Seules les directives anticipées répondent à ce dernier rôle pourvu qu’il n’y ait pas une urgence vitale ou bien si ces directives apparaissent inappropriées ou non conformes à la situation médicale. Il est souhaitable que le chirurgien ne prenne pas seul la décision, au moins dans les cas difficiles. C’est vrai en particulier de l’apport du médecin anesthésiste et du gériatre. En effet, de nombreux cas impliquent une réponse  relativement évidente : patient en bonne forme physique et mentale pour une intervention périphérique. A l’inverse, une intervention dite lourde chez une personne polypathologique est évidemment questionnable. Le problème, c’est la zone grise ! Elle demande une concertation et de ne jamais perdre de vue l’intérêt du patient malgré la prise de risque qui peut tenir à l’intervention mais aussi à l’abstention d’intervention. On pourra aussi se reporter à notre article paru sur ce blog de 2017 : https://free-geriatrics.overblog.com/2015/01/anesthesie-generale-et-maladie-d-alzheimer-ou-en-sommes-nous.html

ou bien à celui paru dans NPG :

B. Pradines. Anesthésie générale et maladie d’Alzheimer : un autre coupable ? Vol 17 - N° 97 - février 2017. Pages : 1-4.

Source :

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Orienter un patient dans une direction particulière est-il toujours éthique ?

Publié le par Louis Lacaze

Orienter un patient dans une direction particulière est-il toujours éthique ?

Deux professeurs d’éthique médicale exposent leur point de vue sur le « nudging1 », comportement qui consiste à amener le patient à adopter le point de vue du médecin de façon plus ou moins subtile sans qu’il soit fait appel à ses convictions profondes ou à ses facultés de raisonnement mais sans lui enlever la possibilité de faire des choix. Plus le praticien maitrise les sciences du comportement et les techniques inspirées des neurosciences, plus il arrivera à emmener son patient dans une direction donnée. Le simple fait d’utiliser ces techniques dans la rédaction d’un questionnaire de directives anticipées, permet parfaitement légalement, d’orienter les choix de la personne dans une direction donnée, choix qu’elle confirmera, sans les modifier, au cours d’un questionnaire ultérieur de contrôle.

La pression peut être subtile : l’exemple d’une patiente terrorisée à la pensée d’être opérée d’un œil s’entend dire par le chirurgien « j’ai été opéré trois fois pour la même chose, il n’y a pas de problème ». Il aurait pu aussi bien dire « vous aimez nager, j’aime nager ». On tombe dans le paternalisme où « le docteur a toujours raison ».

Certains artifices de communication visant à créer des biais cognitifs sont répertoriés. La première source d’information reçue est la mieux retenue. Parler de normes, de résultats d’études, déclarer que la proposition faite est adoptée par la majorité du public concerné, peut se montrer très efficace. Un médecin peut expliquer ce qu’est une réanimation cardiopulmonaire, une dialyse, une respiration artificielle à partir d’un film de plusieurs minutes montrant la mise en place des divers tubes et appareils. Il peut aussi choisir une version plus douce en utilisant un mannequin, tout comme il peut se contenter d’un résumé en quelques phrases.

Dans la vie courante les exemples de « nudging » ne manquent pas. Au supermarché vous évitez le rayon du chocolat pour résister à la tentation d’en acheter une barre. Comme par hasard des barres vous attendent à l’entrée des caisses.

Avoir à donner un coup de pouce à un patient pour lui indiquer la bonne direction est inévitable mais le piloter n’est pas obligatoirement le pousser à agir contre sa volonté, ses valeurs. Quelques mises en garde : quand on propose plusieurs options l’ordre de présentation n’est pas indifférent. S’il y a trois options le patient aura tendance à choisir la seconde. Les aides à la décision couramment publiées correspondent au public en général mais ne sont pas nécessairement adaptées à un patient particulier. Dans le meilleur des cas, l’influence du médecin lui permettra de concilier les soins proposés avec les préférences du patient. Au pire, il ne les prendra pas en compte.

Commentaires de Bernard Pradines. Long et difficile chemin entre paternalisme ancestral et autonomie nouvelle revendiquée par et pour le patient. Sans oublier le temps qui manque pour une démarche de qualité quand la désertification médicale fait son œuvre. Que la santé devienne vite la préoccupation de chacun de nos concitoyens avant de devenir soi-même malade !

1  Nudging : action qui consiste à donner un coup de coude à quelqu’un pour attirer son attention. (dictionnaire Merriam-Webster).

Source :

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