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386 résultats pour “patient idéal

La dentition

Publié le par René Manteau

La dentition

Témoignage d’un infirmier qui a consacré sa vie aux personnes âgées en établissement : 1968-2009.

 

Désormais à la retraite, je souhaite témoigner de ce que j’ai vécu au cours de ma carrière dans l’éventualité où je pourrais être utile pour dessiner un avenir meilleur pour les personnes âgées malades.

L’entretien de la dentition est primordial pour préserver le plaisir et la possibilité de manger. Pas seulement car l’esthétique du visage s’en ressent ainsi que la phonation souvent déjà défectueuse pour d’autres raisons.

La dentition est souvent catastrophique : caries, édentements, parodontites, gingivites, etc. Les soins de bouche, en l’absence de dent, ne sont pratiquement jamais effectués. Les raisons invoquées : ce n’est pas important car il n’y a plus de dent et cela prend trop de temps. Devant l’état lamentable de la bouche de leur parent, quand elles sont présentes, les familles se voient contraintes de se substituer aux soignants en effectuant elles-mêmes les soins.

L’abandon des prothèses dentaires est fréquent. Pourquoi ?

Le patient peut les refuser car mal ajustées, devenues inadaptées, gênantes et même douloureuses.

Le personnel soignant peut s’abstenir de les utiliser, de les entretenir et de les proposer au patient ; le passage des repas au mixeur encourage cette tendance. Il est supposé que les résidents n'en ont plus besoin. Il est décrété qu’ils ne peuvent plus ou ne veulent plus mâcher les aliments.

La perte régulière des prothèses contribue à ce tableau; elles peuvent être jetées aux ordures avec les restes du repas. Ou bien être échangées avec celles d’autres convives, surtout dans les chambres comportant plusieurs lits ou dans un réfectoire comportant des tables communes. Les résidents peuvent les déposer ou les jeter dans un lieu improbable, involontairement ou non, surtout s’ils n’en veulent plus à cause de la gêne ou des douleurs qu’elles provoquent. Pire, le personnel peut les faire disparaître, car il répugne à les entretenir en accusant le patient de les avoir égarées. Après chaque repas, elles doivent être brossées avec du dentifrice car les comprimés de nettoyage sont inefficaces. Puis, elles sont rincées et séchées, enfin placées dans la bouche du résident ou remisées dans une boîte spéciale étiquetée. Le tout oblige à une stricte propreté du contenant menant à une perte de temps trop importante pour les soignants ; ainsi est relégué au deuxième plan l'intérêt et le confort du patient. Ces prothèses sont alors définitivement égarées car aucune n’est gravée au nom du propriétaire.

Pour ceux qui ont l’habitude de les porter, lorsqu’elles sont cassées, leur remplacement s’avère parfois un long parcours de combattant. Le renouvellement peut en être empêché par le non-signalement du problème au médecin et les difficultés pour acheminer les patients chez le dentiste et le prothésiste dentaire. Comme l’appareillage est souvent très ancien, il est difficile de retrouver les intervenants ou de transporter les patients à leur cabinet qui se retrouve trop éloigné. Les professionnels n’interviennent pas ou peu sur place et n'ont pas d’outils, de matériau et de salle à leur disposition dans l’établissement.

Ajoutons-y le refus des patients d’accepter des soins longs, fastidieux, parfois douloureux, pourtant nécessaires pour adapter le nouvel appareillage. Dans le cas d’une éventuelle prise en charge par un nouveau praticien, celui-ci refuse très souvent de s'intéresser à une prothèse qu’il n’aura pas prescrite. Le patient doit se rendre chez un vacataire désigné par l’administration de l’établissement. Ce praticien exerce dans le cadre d’une adjudication, il est rémunéré par le forfait soin attribué par les caisses de remboursement. De ce fait, son intervention se résume très souvent à une ablation de la dent incriminée, même s’il y avait une possibilité de la préserver. Hormis la dégradation liée à l’âge de l’état dentaire des malades, cette situation contribue à l'édentement des résidents. Quant au prothésiste, il sera peu enthousiaste pour reprendre un dentier qu’il n’aura pas lui-même fabriqué. Il propose alors le remplacement par un nouveau matériel. La réticence de la famille ou du personnel est aussi à l’œuvre.

Comme la personne consomme des aliments mixés, elle n’en aurait plus besoin. Peu importe si le visage est déformé. L’esthétique n’est en aucun cas la priorité. L’élocution devient plus difficile. De plus, les prothèses fournies sont principalement en résine. Il est exceptionnel de trouver des patients équipés de bridges ou d’implants car inabordables financièrement. Parfois, c’est l’impossibilité du patient ou de sa famille de faire face aux frais engendrés par une nouvelle acquisition. Lorsque ces obstacles sont infranchissables, la seule solution consiste à effectuer un bricolage de fortune en assemblant les morceaux avec une colle extra forte de type glu. Ceci peut convenir si la cassure est franche et que l’appareil est encore adapté. Cependant, entre la détérioration et la réparation, une longue période peut s’écouler. Cette éventualité est d’autant plus fréquente que le malade et sa famille n'existent pas ou ne font pas pression sur le personnel pour régler le problème.

Merci de m’avoir lu. Vous pouvez dialoguer avec moi en utilisant les commentaires de cet article.

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Je veux avoir la conscience tranquille et dire que j’ai tout essayé

Publié le par Louis Lacaze

Je veux avoir la conscience tranquille et dire que j’ai tout essayé

Un pronostic vital des médecins diffèrent de celui des membres de la famille du patient conduit à des situations délicates. Le cas est loin d’être exceptionnel : une étude récente1 portant sur 229 cas a révélé qu’il s’était produit 122 fois, soit dans 53% des cas.

 L’avis des familles s’est montré exact plus souvent que les lois du hasard ne pouvaient le laisser penser. Toutefois, le pronostic des soignants était, statistiquement parlant, plus fréquemment correct.

Les causes des divergences d’opinion relevées2 s’expliquent soit par une incompréhension réciproque des deux parties, soit par l’incompréhension des familles, soit par des convictions arrêtées des familles, convaincues que le patient possède une résistance inconnue des médecins, éventuellement par des convictions d’ordre religieux. Exemple : un patient inconscient en insuffisance rénale incurable, pour qui une hémodialyse n’aurait abouti qu’à prolonger ses souffrances est évoqué3. Les médecins recommandent l’arrêt des soins, son épouse comprend parfaitement la situation mais pense qu’un miracle est toujours possible et exige leur poursuite pour avoir la conscience tranquille et être sûre que tout a été essayé.

Les médecins peuvent suggérer que la poursuite d’un traitement ne peut qu’augmenter les souffrances du patient, que s’il ne décède pas il restera lourdement handicapé. Ils peuvent demander ce que le patient souhaiterait s’il pouvait s’exprimer. Ils peuvent aussi négocier la prolongation des soins pendant une durée définie4,5, de 24 à 48 heures pour passer ensuite à des soins palliatifs exclusifs. 96% des familles qui ont opté pour un délai ont, après concertation, décidé que le malade aurait préféré ne plus être branché à des appareils et accepté que les traitements lourds soient interrompus.

Pareil cheminement implique chez un médecin la nécessité de faire reconnaitre à la fois sa compétence et sa vulnérabilité en tant qu’être humain. S’il veut inspirer confiance à ses interlocuteurs il devra en payer le prix en manifestant humilité et empathie5.

Commentaires de Bernard Pradines.

Intenses débats actuels autour de la fin de la vie. C’est une bonne chose car indispensable. A noter que cet article est évocateur de la situation aux USA, le dialogue entre médecins et famille du patient étant privilégié. En France, un effort notable est effectué pour que le patient se détermine lui-même, explicitement quand il est conscient et lucide, par des directives anticipées et par la désignation d’une personne de confiance pour le cas où il ne serait plus en capacité de s’exprimer.

1 Douglas B. White, MD, MAS; Natalie Ernecoff, MPH ; et al Prevalence of and Factors Related to Discordance About Prognosis Between Physicians and Surrogate Decision Makers of Critically Ill Patients

  1. David Wendler, PhD, Annette Rid, MD Systematic Review: The Effect on Surrogates of Making Treatment Decisions for Others

3  Terri Traudt, MA, MBC and Joan Liaschenko, PhD, RN  What Should Physicians Do When They Disagree, Clinically and Ethically, with a Surrogate’s Wishes?

4 Dong W. Chang, MD, MS1,2; Thanh H. Neville, MD, MSHS3; Jennifer Parrish, DO1; et al  Evaluation of Time-Limited Trials Among Critically Ill Patients With Advanced Medical Illnesses and Reduction of Nonbeneficial ICU Treatments

  1.   Yael Schenker, MD, MAS, Greer A Tiver, MPH, Seo Yeon Hong, and Douglas B White, MD, MAS  Discussion of Treatment Trials in Intensive Care

6 . Une dernière publication tout juste diffusée qui est loin d’être la moins importante :

Chang and Richard Leiter Geripal animé par Alex Smith et Eric Widera Time Limited Trials in the ICU: A Podcast with Dong Chang and Richard Leiter Time-limited trials. We’ve all probably used them before. We meet with patients and families.  We agree to either start or continue a particular treatment to see if it helps in some specific way over some defined period of time. If it works as hoped, great, we continue the treatments.  If not, we stop them.  At least that is how it’s supposed to go.

Et pourtant, de temps à autre...

Daniela J. Lamas MD The New-York Times What Should Doctors Do When We Experience a Miracle?

It was just before dawn in the intensive care unit when something unexpected happened. My Covid-19 patient’s condition had been worsening for weeks, and we had finally recommended to his family that we stop all aggressive interventions. It was clear he was dying. But that night, my team watched in amazement as his oxygen levels started to rise, slowly at first and then steadily. Standing outside his room, I found myself, somewhat uncomfortably, thinking of miracles.

     

 

 

 

 

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