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398 résultats pour “patient idéal

Un manque d’hommes ?

Publié le par Bernard Pradines, Christiane Réal-Poiré, René Manteau

De ci de là, les personnels en gériatrie se plaignent fréquemment du manque d’hommes parmi eux ou plutôt parmi elles.

En France, le pourcentage des femmes avoisine les 90 % parmi les salariés travaillant en EHPAD. Pas forcément surprenant quand ce sont elles qui assumaient traditionnellement, il y a peu encore, de manière purement gratuite, les tâches essentielles de l’accompagnement des personnes âgées de leur entourage familial. L’inégalité salariale en défaveur des femmes occupant ces emplois considérés comme subalternes viendrait alors compléter le tableau.

De tous temps, l'homme fut considéré comme faisant partie du sexe dit "fort". Dans un tel contexte, travailler dans un service féminisé peut parfois toucher son orgueil, tant  cette fonction semblerait dégradante à ses yeux et à ceux d’autrui. Au point d’être  l’objet de railleries.

De plus, la politique de non-reconnaissance d’un nécessaire haut niveau de qualification a pu refréner bien des ardeurs et vocations.

La première raison invoquée est la force physique afin de mobiliser les résidents dépendants.

Récemment, au cours d’une visite dans une unité de soins palliatifs à Osnabrück[1] en Allemagne, cette question a été évoquée par nos interlocutrices en réponse à notre interrogation sur des améliorations souhaitées. Les raisons avancées en sont la préférence masculine de certains patients[2] afin d’échanger sur des thèmes qui sont plutôt l’apanage de ce sexe. Un deuxième argument concerne les soins intimes qui peuvent être moins bien vécus selon le genre. La force physique vient en troisième lieu. Enfin, les soignants masculins auraient parfois une vision différente de celles des femmes, d’où un mélange d’approches considéré comme un avantage ; l'environnement de travail en serait davantage détendu.

Ainsi, les contacts professionnels entre femmes peuvent être vécus comme déséquilibrés en l’absence d’hommes. Les femmes seules, laissées entre elles, connaîtraient des relations de travail qui sont moins bonnes que si des hommes sont présents.

Au-delà de ces considérations, on peut s’interroger sur les raisons profondes, culturelles, historiques, cachées, d’un tel désir. Les modèles parentaux viennent d’abord à l’esprit. Seraient présents un glissement, une translation inconsciente du modèle habituel, traditionnel, d’accompagnement des personnes âgées. Un reflet de notre société conforme à une tradition mais totalement déformé sous l’angle de la revendication moderne d’interchangeabilité professionnelle des sexes. Autrement dit, l’accompagnement en famille, avec des rôles complémentaires dans le couple des proches aidants, subsisterait comme une référence jusque dans les institutions, services à domicile ou en établissement. J’ai soupçonné ce mécanisme dans les représentations du médecin et de l’infirmière : papa docteur et maman infirmière dans leur relation à la régression des patients. Ne pourrait-on pas l’extrapoler à rebours, au couple descendant, celui des enfants devenus des proches aidants ?

Une autre piste est celle d’une complémentarité dans les représentations générales dans la société actuelle. D’un côté des tendances masculines à la généralisation et à la théorisation, héritées de la vie professionnelle et publique plus ancienne. De l’autre la douceur féminine fondée sur le dogme d’une sensibilité féminine plus prégnante que celle des hommes, conséquence historique d’une vie au foyer au service gratuit de la famille. Ainsi, le rôle féminin prééminent dans l’éducation et les soins  destinés aux enfants prédisposerait les femmes à mieux s’occuper de la dépendance des personnes âgées. Etre maternant demeurerait alors irrévocablement une loi du genre.

Le dévouement, la patience, le charisme demandés, voire exigés, pour s'occuper de personnes âgées sont-elles des qualités relativement rares chez les hommes ? Au pire, le masochisme serait-il avant tout féminin pour accomplir des tâches exigeant empathie, abnégation, voire sacrifice ?

Ainsi peut-on relever avec  un rapport remis à la DREES en 2016[3] que « les missions dévolues aux aides-soignantes relèvent de tâches de type domestique. Elles entrent ainsi en résonance avec d’autres représentations sociales, notamment celles relatives à la division des tâches entre les femmes et les hommes. Dans un métier quasiment exclusivement féminin, les aides-soignantes font ainsi face à la difficulté de valoriser des compétences qui, dans un autre registre, relèveraient de qualités «  naturellement » associées à leur genre. Cette tension traverse les discours des personnes rencontrées, qui concilient difficilement leurs revendications en termes de compétences et de professionnalisme et la mobilisation de traits de caractère ou de qualités intrinsèques dans leur description du profil de l’aide-soignante type (bienveillance, empathie, patience, générosité, gentillesse, écoute, observation, etc.). »

Référence :

http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dd05.pdf

Publié dans gériatrie, soignants, aidants

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La liberté de choisir

Publié le par Madame Labbé

Nous sommes tous concernés par la fin de vie, tôt ou tard, pour nous ou pour nos proches. Il y a quelques semaines, une dame atteinte d’une maladie de Charcot[1] déclarait à la télévision qu’elle envisageait d’aller en Belgique pour un suicide assisté ou une euthanasie. Quelle différence entre des mots qui veulent dire la même chose quant à la finalité ? Pour moi, ils ont un sens différent, le suicide en soi se voulant caché au regard des autres : j’ai décidé de ne plus vivre car je suis trop malheureux dans cette vie-là. Il n’en est pas de même lorsque la maladie vous emmène vers la déchéance physique ou psychique et que vous avez peur de ne pas supporter la douleur quelle qu’elle soit ; pour moi le suicide assisté n’est plus un choix mais devient une nécessité. La personne âgée ou le malade cancéreux ne choisit pas de se donner la mort, il se sent obligé de la demander. Pourquoi ?

Parce qu’il souffre trop. Il sait que son combat contre le mal ou la vieillesse est inutile. De plus aujourd'hui avec Internet tout un chacun peut prendre connaissance des détails du diagnostic qui lui est posé.

Comme tout soignant, j’ai été confrontée à ces questionnements et tout particulièrement dans ma famille. Mon papa avait lui aussi une maladie de Charcot. Après quelques années d’errance médicale, le diagnostic est tombé ; papa a demandé quel était le temps qu’il lui restait à vivre. Entre le moment du diagnostic et celui de son décès, quatre années se sont écoulées avec la perte progressive de la marche ; une canne anglaise puis deux, puis le fauteuil roulant, le lève-malade, la nourriture mixée et l’eau gélifiée : une escalade vers le handicap qu’il supportait très mal. Il nous avait fait promettre de ne pas l’hospitaliser, il ne voulait pas de sonde d’alimentation, pas d’appareil pour respirer. Il voulait mourir au milieu des siens. Environ un an avant son départ, il avait régulièrement de la kinésithérapie respiratoire. Lors des dernières semaines, il dut recevoir de l’oxygène. La kinésithérapie pour l’encombrement respiratoire le faisait énormément souffrir, il ne supportait aucun antalgique il suffoquait dès qu’il avalait un comprimé d’EFFERALGAN-CODEINE. Chaque week-end que je passais près de lui, notamment la nuit, il ne dormait pratiquement plus car chaque position devenait très vite inconfortable. Il en était de même pendant le jour. La nuit, il me posait beaucoup de questions ; je me souviens encore de ces phrases si souvent prononcées : « apporte moi une piqûre de l’hôpital pour en finir, je n’en peux plus…tu ne peux pas comprendre… ». Ou celle-ci : « comment je vais mourir ? Dans combien de temps ? » Parmi tous ces désespoirs se trouvaient des rayons de lumière. Un groupe de personnes venait chaque semaine l’accompagner dans sa détresse. Un couple a réussi pendant 18 mois à le mettre debout chaque jour pendant une heure. Papa avait ainsi l’impression qu’il marchait encore, bien que porté sur leurs épaules. Il avançait ses jambes une à une. C’est probablement ce qui lui a évité les escarres.

Le dernier jour, il a fait un malaise. C’était le jour de la fête des pères donc un dimanche, il y a aujourd’hui 24 ans. Je ne travaillais pas, je suis arrivée dès que j’ai pu. Maman et moi nous sommes restées près de lui sans oublier la promesse faite quatre ans auparavant de ne pas l’hospitaliser ; il ne l’a jamais été. Il est parti sans suffoquer avec je pense une douleur abdominale importante qu’il a pu exprimer ; il nous a dit au revoir en clignant des yeux. Sa volonté depuis le début de sa maladie était que je sois présente lors de son départ pour aider sa femme dans la détresse et dans l’épuisement.

Dans ma vie professionnelle, j’ai accompagné de nombreuses personnes vers leur finitude mais toujours avec ces mêmes interrogations et celles des soignants avec qui j’ai travaillé. Ce sont finalement les patients qui apportent la réponse à notre questionnement.

Pour ou contre l’euthanasie ?

Devant cette interrogation, il est difficile de répondre par oui ou par non, chacun pensant selon ses convictions, ses croyances religieuses ou philosophiques.

La loi actuelle permet au corps médical de répondre à ce questionnement en fonction des demandes des patients.

Devant la souffrance en fin de vie, il faut permettre aux soignants de pouvoir accompagner les patients mais aussi les familles qui sont très démunies devant la mort de leur proche et ne pas laisser une image catastrophique comme je l’entends trop souvent ; récemment, une personne de 102 ans a énormément souffert pour mourir d’après sa fille. Malheureusement c’est une image douloureuse qu’elle va laisser à ses proches, donc une peur qui se transmet face à leur propre mort.

Personnellement je suis favorable à ce que l’on soulage le plus possible ma douleur par tous les moyens mis à disposition, même si cela doit accélérer la fin de mes jours. Espérons que nos politiques ne changeront pas d’avis une fois élus face à la pression collective car pour moi chaque cas est unique et doit être traité comme tel.

 

[1] Maladie de Charcot : sclérose latérale amyotrophique (SLA)

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