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Orienter un patient dans une direction particulière est-il toujours éthique ?

Publié le par Louis Lacaze

Orienter un patient dans une direction particulière est-il toujours éthique ?

Deux professeurs d’éthique médicale exposent leur point de vue sur le « nudging1 », comportement qui consiste à amener le patient à adopter le point de vue du médecin de façon plus ou moins subtile sans qu’il soit fait appel à ses convictions profondes ou à ses facultés de raisonnement mais sans lui enlever la possibilité de faire des choix. Plus le praticien maitrise les sciences du comportement et les techniques inspirées des neurosciences, plus il arrivera à emmener son patient dans une direction donnée. Le simple fait d’utiliser ces techniques dans la rédaction d’un questionnaire de directives anticipées, permet parfaitement légalement, d’orienter les choix de la personne dans une direction donnée, choix qu’elle confirmera, sans les modifier, au cours d’un questionnaire ultérieur de contrôle.

La pression peut être subtile : l’exemple d’une patiente terrorisée à la pensée d’être opérée d’un œil s’entend dire par le chirurgien « j’ai été opéré trois fois pour la même chose, il n’y a pas de problème ». Il aurait pu aussi bien dire « vous aimez nager, j’aime nager ». On tombe dans le paternalisme où « le docteur a toujours raison ».

Certains artifices de communication visant à créer des biais cognitifs sont répertoriés. La première source d’information reçue est la mieux retenue. Parler de normes, de résultats d’études, déclarer que la proposition faite est adoptée par la majorité du public concerné, peut se montrer très efficace. Un médecin peut expliquer ce qu’est une réanimation cardiopulmonaire, une dialyse, une respiration artificielle à partir d’un film de plusieurs minutes montrant la mise en place des divers tubes et appareils. Il peut aussi choisir une version plus douce en utilisant un mannequin, tout comme il peut se contenter d’un résumé en quelques phrases.

Dans la vie courante les exemples de « nudging » ne manquent pas. Au supermarché vous évitez le rayon du chocolat pour résister à la tentation d’en acheter une barre. Comme par hasard des barres vous attendent à l’entrée des caisses.

Avoir à donner un coup de pouce à un patient pour lui indiquer la bonne direction est inévitable mais le piloter n’est pas obligatoirement le pousser à agir contre sa volonté, ses valeurs. Quelques mises en garde : quand on propose plusieurs options l’ordre de présentation n’est pas indifférent. S’il y a trois options le patient aura tendance à choisir la seconde. Les aides à la décision couramment publiées correspondent au public en général mais ne sont pas nécessairement adaptées à un patient particulier. Dans le meilleur des cas, l’influence du médecin lui permettra de concilier les soins proposés avec les préférences du patient. Au pire, il ne les prendra pas en compte.

Commentaires de Bernard Pradines. Long et difficile chemin entre paternalisme ancestral et autonomie nouvelle revendiquée par et pour le patient. Sans oublier le temps qui manque pour une démarche de qualité quand la désertification médicale fait son œuvre. Que la santé devienne vite la préoccupation de chacun de nos concitoyens avant de devenir soi-même malade !

1  Nudging : action qui consiste à donner un coup de coude à quelqu’un pour attirer son attention. (dictionnaire Merriam-Webster).

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Nutrition et dénutrition

Publié le par Bernard Pradines

Image empruntée au site : https://www.logement-seniors.com/actualites/comment-faire-face-a-la-denutrition-chez-les-personnes-agees-575.html

Image empruntée au site : https://www.logement-seniors.com/actualites/comment-faire-face-a-la-denutrition-chez-les-personnes-agees-575.html

Les plus grands progrès en gériatrie ne sont-ils pas d’abord conceptuels ? Ainsi, il n’est plus admis qu’une personne âgée puisse perdre du poids involontairement sans que l’on s’interroge sur cette situation jugée désormais anormale.

Friande d’outils d’évaluation, de préférence à dimension internationale en langue de Shakespeare, notre pratique moderne est censée utiliser des grilles, des notations, pour dépister et apprécier cette situation préoccupante. Ainsi en est-il du Mini Nutritional Assessment . Pourtant, le compte n’y est pas encore, à domicile et en établissement.[1]

Des articles volumineux et nombreux ont été rédigés sur ce thème. Ainsi, le terme « dénutrition » est-il présent à ce jour dans 116 articles de la seule revue NPG[2]. Des journées scientifiques lui sont à juste titre consacrées.

La dénutrition est la conséquence de situations dont elle est elle-même un facteur aggravant dans une interaction nuisible, souvent très rapide : états infectieux et inflammatoires, affections aigues ou décompensations d’une pathologie chronique, syndromes démentiels et troubles psychiatriques, pathologies digestives ou ORL, chutes, polymédications…

Pis, la dénutrition n’est pas la seule préoccupation dans ce domaine : la malnutrition peut aussi être présente ou la compléter chez la personne âgée.

Dans cette immensité, je souhaiterais insister sur les points suivants.

Bien sûr les recommandations récentes concernant la prévention primaire doivent être connues[3]. En gardant toutefois à l’esprit que les bénéfices et les désavantages de la qualité nutritionnelle sont des acquis à long terme. Ainsi, c’est tout au long de notre vie que nos attitudes alimentaires et notre hygiène de vie nous engagent vers le vieillissement souhaité. Même s’il ne semble jamais trop tard pour bien faire, les préconisations seront variables selon les situations rencontrées. Les régimes drastiques d’autrefois, générateurs fréquents de dénutrition, ont cédé la place à des attitudes plus nuancées, davantage personnalisées et mieux adaptées aux pathologies, en particulier dans les domaines traditionnels, qu’ils soient métaboliques ou cardiovasculaires.

Des personnes âgées isolées, pauvres, éprouvant éventuellement des difficultés à se déplacer, peuvent « simplifier » leurs menus à l’extrême. La nécessaire vigilance des intervenants est désormais bien acquise : contenu du frigidaire, dépassement des dates limites de consommation, etc.

Si l’obésité du début et du milieu de la vie doit faire l’objet de toutes les attentions, il faudra penser autrement, plus tard dans notre parcours de vie. Dans nos établissements en mal de personnel, un patient « lourd » est légitimement redouté ; pourtant, contraindre un vieillard obèse à davantage de retenue est d’abord une maltraitance. Elle est aussi une gageure dangereuse, au péril de la perte de poids à nette prédominance musculaire[4]

A la toute fin de la vie, combien de fausses routes pour « éviter que maman ne meure de faim » ? Une confusion persistante entre la faim et la fin[5]. Ici doit se situer l’alimentation dite plaisir ou confort qui consiste à entretenir sans contrainte une bouche propre et indolore sans poursuivre un objectif nutritionnel inaccessible.

Chère lectrice, cher lecteur, vous n’avez sans doute rien appris ci-dessus ; mais qu’avez-vous transmis à celles et ceux qui n’en savent rien ?


[1] C. Clerc, C. Suna-Enache, T. Vogel, P.-O. Lang. Modalités de dépistage de la dénutrition chez les patients âgés : étude auprès de 100 médecins généralistes de l’Eurométropole de Strasbourg - 20/09/17 Vol 17 - N° 101 P. 318-324 - octobre 2017

[4] La perte musculaire en jargon médical hérité de la langue d’Hippocrate : la sarcopénie.

Publié dans EHPAD, SLD, alimentation, prévention

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