Face à la rupture d’un cloisonnement

Publié le par Louis Lacaze et Bernard Pradines

Face à la rupture d’un cloisonnement

Le monde des soins palliatifs a brutalement été transformé par la violence de la covid-19. La mort est présente partout. Le praticien, surmené, fatigué, a perdu le sentiment de contrôler la situation, se retrouve isolé par les mesures de distanciation, n’est plus amarré à son port d’attache.

Démoralisé par un sentiment d’impuissance et l’absence de perspectives rassurantes, il peut lui arriver de se sentir inefficace, incapable de prévoir l’avenir, de respecter la cloison classique qui sépare le patient du soignant. Il le rejoint à son corps défendant dans cet espace où la mort est omniprésente, compagnon de route sur un itinéraire particulièrement dangereux.

Accompagner un patient sur le chemin de la mort permet au praticien de découvrir qu’il y a moins de différence entre lui et le mourant et peut atténuer une tendance au catastrophisme : il aimerait être plus efficace mais l’aide qu’il apporte est loin d’être sans effet. Cette rupture d’un cloisonnement patient-soignant peut représenter un apport positif en mêlant deux univers d’humanité.

Commentaires de Bernard Pradines.

En nous transmettant ce texte venu des USA, Louis Lacaze nous montre un chemin encore mal exploré : celui du retentissement de l’accompagnement répétitif de la fin de la vie sur l’entourage soignant. Dans notre culture, il existe en effet un cloisonnement de la pensée, un clivage pour employer un mot à la mode : le patient et sa famille sont censés souffrir de la perte de soi-même ou de l’être cher. Les choses sont pourtant infiniment plus complexes. De leur côté les soignants sont réputés blindés pour pouvoir supporter l’image renouvelée de leur propre fin. Ici aussi la diversité est au rendez-vous des idées simples.

L’argument conclusif facile le plus courant est le suivant : il s’agit d’une affaire intime, personnelle, variable selon les individus. Et si cette appréciation était elle-même un mécanisme de défense pour masquer ses propres doutes, des sentiments inavouables répandus ! Nous sommes des êtres mimétiques, soucieux souvent inconsciemment de faire comme tout le monde, de ne pas se faire marginaliser, ce qui était très dangereux dès la tribu grégaire de la préhistoire. Et s’il en subsistait une extrapolation ici : celle de ne pas faire comme tout un chacun, c’est-à-dire mourir. Ou bien à l’inverse la crainte irrationnelle d’être emporté avec celui qui « rejoint l’autre rive ». Pas interdit que je pérore sur ce sujet plus longuement dans un article futur.

Source

Publié dans Covid-19, soins palliatifs

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