Euthanasie des vieillards : une décision individuelle ?

Publié le par Bernard Pradines

Extrait : "quid de la liberté de choix de celles et ceux qui demandent l’euthanasie ? Question philosophique éternelle, celle du libre-arbitre individuel." 

 

Vif débat permanent autour de la dépénalisation de l’euthanasie en France.
Vouloir se déterminer par soi-même jusqu’au dernier moment de sa vie est un objectif louable qui a accompagné des progrès récents : lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants, interdiction de la torture, abolition de la peine de mort, etc.

Pourtant, quid de la liberté de choix de celles et ceux qui demandent l’euthanasie ? Question philosophique éternelle, celle du libre-arbitre individuel.

Au cours de mon exercice auprès des personnes âgées, je fus frappé par la fréquence de l’isolement entrainant la rupture du lien social. Peu ou pas de visites alors qu’elles sont espérées. A quoi me sert-il de vivre si personne ne vient me voir ?

Être âgé, affaibli physiquement et mentalement, dépendant d’autrui pour les actes de la vie quotidienne, souvent éloigné en contrainte de son domicile, voici des conditions bien difficiles. Rajoutons‑y une pression permanente aux économies, que ce soit à la maison ou en établissement.

Mais ce n’est pas tout. Si notre société vit dans l’idée du caractère insupportable des dépenses de santé, en particulier lors de la dernière année de la vie… Si l’on fait peser la charge des frais de maintien à domicile ou d’hébergement sur ses enfants, voire sur ses petits-enfants, comment ne pas envisager sa propre fin au plus tôt ? Au fond, j’ai bien compris ce que vous n’osez jamais me dire : dans l’état 
(1) où je suis, il est temps de partir…

Pour qualifier cette situation en termes acceptables, vous parlerez d’autonomie de décision, de liberté individuelle, de choix personnel, de crainte de l’acharnement thérapeutique 
(2). Vous affirmerez que votre corps vous appartient et que vous souhaitez éteindre vous-même la lumière. Vous direz que l’on achève bien les chevaux (3). Mieux, vous évoquerez la charité ou l’humanisme, c’est selon. Vous pourrez rappeler aussi la nécessaire capacité d’« adaptation », vertu idéaliste rabâchée, sans appréhender que c’est la société toute entière qui peut s’adapter au vieillissement et non l’inverse. Au moins si elle se veut humaine.

(1) « état » pourrait aussi s’écrire « Etat ».
(2) Les professionnels parlent désormais de l’obstination déraisonnable.
(3) Rappel : les chevaux n’ont rien demandé. Ce n’est donc pas une euthanasie.

 

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B
Houellebecq écrit dans Anéantir que notre vie appartient aussi aux autres. Il en résulte que la décision d'y mettre fin ne nous appartient pas totalement...
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M
Voilà un sujet qui touche puisque à un moment donné j'ai été confronté à cette problématique avec mes parents. C"est surtout dès l'apparition d'un handicap, de la solitude accompagnés de souffrances physiques que la demande se fait jour et plus pressente, plus que pour les problèmes financiers car à un moment donné la personne âgée est noyée par les tracasseries administratives et financières et ne s'en préoccupe que très peu ou plus du tout. Pourtant sur la planète il existe des "Zones Bleues" où les gens sont heureux, respectés, mis en avant et où nous n'entendons pas parler de demandes ou d’exécutions euthanasiques. Sans aucun doute, il grand temps de nous remettre en question et de revoir notre conception de la famille.
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