Faut-il leur foutre la paix ?

Publié le par Bernard Pradines

L’expression n’est pas élégante. Elle est pourtant souvent  employée à propos des pathologies et surtout des traitements des personnes âgées.

Leur foutre la paix, c’est, dit plus poliment, ne pas entreprendre des traitements que l’on aurait prescrit si le patient avait été plus jeune ou en meilleure santé. On croit ainsi avoir tout dit.

Or, s’abstenir est une décision qui est éventuellement évidente et bénéfique, parfois non. Au début de ma carrière, peu de médecins s’aventuraient à opérer une personne âgée de plus de 90 ans. Qu’en est-il à présent ? Des situations qui étaient alors considérées comme relevant d’une abstention raisonnable, où l’on « fichait la paix » au malade, sont désormais regardées comme une perte de chance, un abandon thérapeutique. A l’inverse, des traitements ont été délaissés car trop agressifs.

Les soins bénéfiques ne peuvent pas se résumer à une formule à l’emporte-pièce qui donne bonne conscience mais occasionne encore des retards préjudiciables de diagnostic et de traitement. On « foutra la paix » sur des arguments solides, au cas par cas.  Pas au pifomètre pour se rassurer ou se faire plaisir. 

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R
Nombreuses sont, tout de même, les personnes qui supplient qu'on arrête les soins !!! Et cela, il faut le dire.<br /> C'est à ce moment qu'il faut espérer que la personne soit écoutée, par des professionnels capables de "lâcher prise". (L'inverse est vraie aussi : certaines équipes baissent les bras un peu trop vite.)
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R
Sujet très délicat, abordé ici ... Tous les professionnels savent que l'on est confronté à des décisions souvent pas du tout faciles.<br /> Pour moi la pluridisciplinarité est essentielle, le partage de nos impressions. Plus, aussi, la bonne connaissance et les échanges avec la famille, pour tenter de comprendre, savoir ce qu'aurait décidé la personne âgée.<br /> L'on ne peut oublier, non plus, que l'on est souvent confronté à une telle angoisse de la mort (famille, p.âgée) et à la difficulté de détachement, qui ne peut qu'influer sur les décisions.
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P
Bonjour,<br /> En principe, vos doutes ne sont pas fondés car chacune de vos questions possède une réponse dans la loi. Pourtant, vous avez raison de vous interroger à la lumière de la vraie vie dont vous avez une carrière entière d'expérience soignante.
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M
« C'est quand que l'on va lui foutre la paix ? »<br /> Des paroles faciles à prononcer lorsque nous ne sommes pas directement concernés. <br /> - Pourquoi profère-t-on cela ? Ne supporterions-nous plus de voir souffrir celui dont on a la charge de s'occuper ou celui que l'on aime ? La souffrance des autres nous ramène-t-elle à notre propre souffrance ?<br /> - Qui doit prendre la décision de foutre la paix aux malades ? La famille, le médecin, l'équipe soignante épuisée ?<br /> - Le patient, qu'en pense-t-il ? Quelle est son souhait? Doit-on tenir compte des directives anticipées lorsqu'elles existent ou passer outre ? Certains individus ne souhaitent pas, contrairement à la rumeur publique abandonner le combat de la vie.<br /> - A quel moment doit-on foutre la paix aux gens ? N'est-ce pas une forme d'abandon ? Cela ne traduit-il pas notre découragement ou notre impuissance ?<br /> - Où commence l'acharnement thérapeutique ?<br /> - N'est-ce pas un accès trop facile à l'euthanasie passive ? Une condamnation anticipée à mort ?<br /> <br /> Je n'ai pas les réponses, mais quand je serai sur mon lit de souffrances que va-t-on décider pour moi ou à mon insu ? Je ne sais pas. Alors il ne me restera plus qu'à m'en remettre à la conscience professionnelle de l'équipe de soin ou à ma bonne étoile.
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