La presse grand public s’est largement fait l’écho des souffrances affectant les personnes âgées pendant le premier confinement. Ceci a été particulièrement mis en exergue dans les établissements pour personnes âgées : isolement, résidents cloués au lit ou n’ayant pour occupation que la contemplation d’une fenêtre, voire tentatives de suicides.
Des études récentes venant des USA, d’Espagne, du Canada et des Pays-Bas, rapportées dans une revue de la littérature parue en novembre 2020, ont permis de prendre du recul et révélé que les seniors à domicile ont été moins affectés que les autres classes d’âge.
Aux USA, sur un panel de 4470 sur 5412 personnes sollicitées à domicile, 49,1% des 731 participants âgés de 18 à 24 ans ont déclaré rencontrer des problèmes d’anxiété, 52.3 % de dépression, 46 % de troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress (trauma- or stress-related disorder - TSRD).
Pour les 1911 participants âgés de 25 à 44 ans, les pourcentages passent respectivement à 35,3 %, 32,5 %, et 36 %.
Pour les 895 participants âgés de 45 à 64 ans, nouvelle baisse à 16,1%, 14,4 % et 17,2%. Le contraste est net avec les 933 personnes âgées de 65 ans et plus vivant à domicile : 6,2 %, 5,8 % et 9.2 %.
Les chercheurs qui s’étaient fixé pour objectif la recherche des effets de l’isolement et de la solitude sur l’état mental des seniors ont cherché à relever des éléments expliquant cette résistance des seniors face au confinement. La disparition des contacts sociaux n’aurait pas de caractère traumatisant si des relations de qualité restaient disponibles. Pour beaucoup, la technologie a permis de maintenir les contacts familiaux et sociaux les plus importants. Le facteur de résistance primordial serait la sagesse, caractéristique essentielle de la vieillesse depuis la haute antiquité. Jusqu’au XXe siècle ? Elle apporte l’expérience, la patience, l’acceptation de l’inconnu, le contrôle des émotions, et avant tout empathie et compassion, bien plus présents que chez les générations plus jeunes.
Commentaires de Bernard Pradines
Ce texte fort intéressant, à rebours du politiquement correct, nous apporte un contrepoint au lamento généralisé sur le sort des personnes âgées en temps de pandémie et de confinement corollaire. Ainsi, un article cité en source française par Louis Lacaze, relatant l’interview d’un psychiatre, avance l’hypothèse suivante :
« Plus vous êtes âgé, plus votre bien-être mental est élevé. Les personnes âgées se sont senties protégées au cours du confinement. Une aisance financière et une surface d'habitation plus importante les ont également préservées. Globalement, les personnes de catégories socio-professionnelles supérieures, vivant dans une grande surface avec un accès à l'extérieur, en famille, et qui ont pu continuer à travailler et à se sentir utiles, ont été les plus préservées. Les personnes isolées, dans des logements plus petits et vivant dans une insécurité financière et sociale, ont été les plus touchées dans leur bien-être mental. Ce confinement a aggravé les inégalités habituelles – il a mis de la pression sur les gens les plus fragiles. »
Le fait essentiel est qu’il s’agit toujours de personnes âgées à domicile et non en établissement. De plus, nous ne connaissons pas encore le bilan humain si nous envisageons des sous-groupes plus vulnérables : personnes âgées à faibles revenus, celles souffrant de démence ou qui sont aidantes de personnes âgées démentes. Aucune donnée de la revue de la littérature citée n’est encore disponible dans les établissements pour personnes âgées à l’heure de sa publication.
La condition dans les EHPAD français ne saurait se comparer avec celle des personnes âgées vivant à domicile dans les pays ici considérés, personnes souvent autonomes et disposant pour beaucoup de moyens financiers, matériels, intellectuels et relationnels de qualité.
Ainsi, la situation actuelle, qui demandera plusieurs années avant d’être correctement évaluée, est manifestement complexe.
Une généralisation hâtive est impossible.