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legislation

Fin de vie et liberté de conscience

Publié le par Louis Lacaze

Fin de vie et liberté de conscience

A notre époque contemporaine les populations supportent de plus en plus difficilement les règles autoritaires, de la religion comme des autorités politiques. L’individu réclame la possibilité de faire ses choix, en particulier de pouvoir intervenir dans le domaine de la fin de vie. C’est la revendication d’autonomie individuelle. L’époque du médecin qui a toujours raison est révolue. Les pratiques actuelles, encadrées par la loi Claeys-Léonetti, sont remises en cause par ceux qui réclament la possibilité de choisir leur mort. Cette évolution est combattue par d’autres au nom de la morale et de l’éthique médicale.

Pour Robert Brody, interniste, l’éthique médicale est simple : le médecin doit agir dans l’intérêt du malade. C’est une obligation professionnelle, point final. Est-ce en accord avec ses principes ? Il n’a pas à se poser la question. Le problème est ailleurs : les décisions qu’il pourrait prendre sont-elles légales ou illégales ? Les cas de conscience peuvent se poser à ce niveau, une décision professionnellement éthique peut se révéler illégale ou contraire à l’éthique de l’établissement hospitalier. Ce dernier point est crucial aux Etats-Unis où un hôpital sur six est d’obédience catholique, suit les directives d’un conseil d’évêques, interdit toute mesure pouvant hâter le décès d’un patient.

L’expérience des chercheurs en mission sur le terrain a montré que les positions pouvaient être fluctuantes. Le but premier des médecins étant de soulager la souffrance de leurs patients, ils peuvent se rabattre sur des solutions de contournement. Des médicaments normalement dosés en milligrammes sont progressivement dosés en grammes. Un somnifère, très coûteux, a connu une période de succès, le patient ne voyait jamais le bout d’une ordonnance de trois mois. Les médecins n’ont jamais cherché à provoquer la mort du patient, seulement à soulager sa douleur.

Une évolution de la législation permettrait d’encadrer des pratiques existantes qu’on pourrait qualifier d’ancestrales, en permettant au médecin de neutraliser les douleurs tenaces, insupportables, réfractaires aux traitements habituels sans courir le risque de se retrouver dans l’illégalité.

Commentaires de Bernard Pradines. Intéressante publication dont je retiens l’essentiel : « Les médecins n’ont jamais cherché à provoquer la mort du patient, seulement à soulager sa douleur. » Cette phrase est cruciale car elle évoque la frontière entre l’intention de donner la mort et celle de soulager à tout prix les inconforts de fin de vie, quitte à abréger celle-ci. Ce que nous appelons le « double effet ». Ma pratique médicale en soins de longue durée s’en est largement inspirée, bien avant les lois françaises du 22 avril 2005 et du 2 février 2016 lors d’environ 1200 situations de fin de la vie. En ce sens, avant ces lois, bien des médecins comme moi se sont retrouvés en situation inconfortable par rapport à la législation. Ainsi le dernier paragraphe rapporté par Louis Lacaze retrace le chemin déjà parcouru par l’évolution de la législation en France.

Sources :

Robert Brody, interniste, vice-président de l’association Choisir sa fin de vie, Mara Buchbinder professeur de médecine, anthropologie médicale, Lori Freeman professeur de médecine  invités de Geripal, animé par  Alex Smit MD et Eric Widera MD

Conscientious Provision of MAID and Abortion: Robert Brody, Lori Freedman, Mara Buchbinder

Rappel de mon article publié le 9 novembre 2021 ci-dessous en lien. 

Ces deux textes ne visent qu’à dresser un état des lieux. Les termes « aide active à mourir, euthanasie, suicide assisté » en sont absents.

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Fin de vie : ma contribution au débat

Publié le par Vincent Ronca, directeur d’EHPAD

GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO

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Je dirais aujourd'hui que jamais ce sujet n'a été aussi important depuis que la médecine a fait des progrès. Durant toute l'histoire de l'humanité, l'agonie était considérée comme un stade normal des derniers instants de la vie. Elle ne connaissait alors que deux remèdes : la mort brutale donnée par un tiers, ou bien la prière. Le premier est aujourd'hui puni par la loi et le second est en voie de disparition. Pour le grand public, la solution ne peut se trouver que dans les progrès de la médecine avec une volonté d'abréger la vie. La difficulté d’aujourd'hui, c’est qu'un grand nombre de personnes ignore que les progrès de la médecine peuvent permettre un accompagnement de l'agonie plutôt que son abrogation. 

Dans le cadre de la fin de vie, je ne parle ici que de l'agonie, et pas des autres aspects. Je pense que c'est elle qui effraie le plus aujourd'hui nos contemporains. La spiritualité permettait, lorsque les religions étaient plus répandues dans les sociétés, de mieux accepter cette phase. La sédation profonde me semble être aujourd'hui une solution qui devrait rassurer. Pourtant, d'un point de vue idéologique, il s'agit d'une demi-mesure : le malade est vivant, mais n'existerait plus. C'est une situation qui déconcerte. Particulièrement dans une société où le temps doit nécessairement être comblé par des actions. La sédation profonde peut être considérée comme une inaction, alors que l'euthanasie, non : elle est une aide « active » à mourir. C'est mal connaître le travail réalisé par l'équipe qui accompagne la sédation profonde. Je pense que c'est pour cela que l'euthanasie est autant plébiscitée : il y a de l'action et cela est visible à brève échéance. Il est aussi plus facile pour l'entourage d'entrer dans la phase de deuil.

La question aujourd'hui est donc de savoir si la médecine doit s'adapter à l'opinion publique, qui s'éloigne de la spiritualité et souhaite des actions visibles et rapides, ou bien c'est à l'opinion publique de s'informer sur les progrès de la médecine et de comprendre que le "temps long" peut être aussi source d'apaisement. Personnellement, j'aurais tendance à dire que nous devons respecter la vie et lui laisser le temps de faire son chemin.

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