L’exercice physique peut-il soigner le mental ?
Un article du New-York Times expose les travaux du Dr Jennifer Heisz, directrice d’un laboratoire de recherche d’une école de médecine qui étudie les effets d’un exercice physique modéré sur la dépression et l’anxiété sur une cohorte uniquement composée d’étudiants en médecine. Ses conclusions sont encourageantes : 30 minutes 3 fois par semaine d’exercice d’intensité modérée suffisent pour apporter un bon niveau de protection. Comparer ses travaux à l’étude Hunt (ci-dessous après ce texte) qui observe et suit 33 908 adultes d’origines diverses permet d’apprécier la complexité du sujet.
L’étude Hunt note qu’un exercice physique modeste d’une durée d’une heure par semaine suffit à apporter une protection significative contre la dépression mais pas contre l’anxiété, comparée aux 150 minutes d’exercice vigoureux recommandées pour la protection cardiovasculaire. La pratique de cet exercice permettrait de supprimer 12% des cas de dépression à venir. Le mécanisme d’action de l’exercice reste sans explication totalement démontrée, la personnalité des participants, des facteurs génétiques pouvant intervenir. Le rôle de l’émission de sérotonine susceptible de déclencher la production de protéines neuroprotectrices, de modifier la neurogénèse de l’hippocampe et le niveau d’activité de l’axe hypothalamo-pituitaire-adrénalien reste à démontrer.
Comme un traitement classique n’est efficace contre la dépression que dans 35% à 50% des cas, le recours à l’exercice physique, par ailleurs non accompagné d’effets secondaires, a toute sa place dans la prévention des états dépressifs. On peut noter que la population fait de moins en moins d’exercice physique depuis des dizaines d’années. L’y inciter en lui suggérant de faire une heure de marche ou de vélo par semaine n’est pas exiger d’elle un effort insurmontable. On ne peut que suggérer aux aidants d’inciter les seniors à prévoir trois créneaux de marche hebdomadaires, quitte à les accompagner.
Commentaires de Bernard Pradines. Encore difficile de démêler la physiologie protectrice ou réparatrice des neurones d’une part de la dimension psychique à l’œuvre d’autre part. La description de ce lien agite depuis longtemps les milieux médicaux et scientifiques. Pour faire court, Jean-Martin Charcot en France et Aloïs Alzheimer en Allemagne nous livrent il y a plus d’un siècle, une approche organique prédominante. De son côté, Sigmund Freud en Autriche ouvre la voie à un autre abord fondé sur la psychanalyse qui a fortement influencé la psychologie moderne sans la résumer. Si la confrontation de ces deux démarches a pu faire des progrès saisissants, elles n’en demeurent pas moins deux domaines séparés qui se sont développés et complexifiés pour leur propre compte. Ainsi, les hypothèses ci-dessus manquent de robustesse. Il serait intéressant d’étudier des propositions autres que l’exercice physique tout autant scrutées dans leur réalisation. Si ces activités étaient autant valorisées socialement que l’exercice physique, qu’en serait-il du résultat ? En effet, correspondre aux attentes collectives de la société actuelle ainsi que de son entourage familial et amical, faire l’objet d’une attention personnelle d'autrui quant à son activité propre, être encouragé en ce sens et salué dans sa progression ne sont-ils pas de puissants moyens de restitution d’une image positive de soi ? Une potentielle psychothérapie contre la dépression. Sans compter avec la causalité inverse : le ralentissement psychomoteur est un des signes de la dépression. Tout l'inverse du dynamisme à l'œuvre dans l'exercice physique.
Source :
Harvey SB, Øverland S, Hatch SL, Wessely S, Mykletun A, Hotopf M. Exercise and the Prevention of Depression: Results of the HUNT Cohort Study. Am J Psychiatry. 2018 Jan 1;175(1):28-36. doi: 10.1176/appi.ajp.2017.16111223. Epub 2017 Oct 3. PMID: 28969440.
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