Evolution de l’alimentation dans un établissement
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En 1968, à mon arrivée dans l'établissement de soins, les soupes et potages sont élaborés avec des légumes frais, du vermicelle, du tapioca ainsi que du pot-au-feu longuement mijoté. Les repas sont préparés avec des ingrédients de qualité supérieure. Pendant les fêtes, des mets nobles sont servis.
Les viandes les plus sensibles à la cuisson, telles que les filets, les entrecôtes et certains poissons, sont cuisinées dans un point chaud intermédiaire au tout dernier moment, par le personnel affecté à la distribution et à la plonge qui était présent dans le service à cette époque. Le tout se trouve en quantité, permettant au personnel de servir un supplément éventuel. Le conditionnement est réalisé dans de très grands plats. Les résidents sont servis à l'assiette. Un menu type est constitué au déjeuner de potage, hors-d’œuvre, plat de résistance, fromage ou laitage fait maison, fruit, vin, café. Au dîner la salade remplace le hors-d’œuvre et la tisane prend la place du café.
Quelques années plus tard, toute la réalisation s'effectue dans la cuisine centrale avec une nette diminution de la qualité et de la quantité. La viande est dure, le poisson est de deuxième choix ainsi que le poulet. Les œufs sont présents plusieurs fois par semaine sous toutes leurs formes. Pour des raisons de sécurité et d’hygiène alimentaire, en particulier le risque de salmonellose, leur cuisson au plat ou à la coque est prohibée. Ne demeure possible que leur préparation en omelette fournie en bidons stérilisés ou leur cuisson industrielle jusqu’à l’œuf dur, sous vide ou congelés, toujours servis dans des plats communs. Les conserves commencent à prendre la place des légumes frais et sont le plus souvent déjà cuisinés en usine. Les entrées et les laitages “maison” se raréfient, les fruits frais sont souvent remplacés par des fruits cuits et des compotes. Plus tard, les repas sont présentés en assiette individuelle en porcelaine puis en plastique et réchauffés dans le service à l’aide de fours mobiles très fonctionnels lorsqu’ils étaient réglés correctement et ne tombaient pas en panne ; ce qui n’avait rien d’exceptionnel. Comme si cela ne suffisait pas, les légumes deviennent d'horribles purées. Les viandes sont des roulés à base de chair hachée ou bien reconstituée, leur donnant une apparence de pâté pour animaux pour les personnes qui sont édentées, les autres tentant d’absorber leur pitance sans attrait. Toute différenciation d'aspect et de saveur est devenue impossible. Toujours le même goût ! Les potages que nos anciens apprécient beaucoup sont déshydratés et préparés dans le service avec une mise à disposition de quatre saveurs. Ils sont uniquement liquides ou semi liquide, tout dépendant du dosage, et sans texture responsables souvent de nombreuses fausses routes dues aux troubles de la déglutition. Pour ceux qui peuvent s’exprimer il peut y avoir un rajout de biscottes écrasées ou de pain morcelé. Malheureusement, on a pu observer qu’ils n’étaient pas systématiquement servis surtout si le résident a des difficultés pour l’absorber. Toujours la même histoire de “timing” à moins que celui-ci puisse le réclamer en s’imposant. Tout dépend de la bonne volonté d’un personnel plus ou moins consciencieux. Quant aux desserts, ils ont suivi la même évolution et ne brillent pas par leur diversification. Ils n’en ont plus que le nom, composés très souvent de fromage blanc, yaourts, compotes et fruits au sirop industriel.
Dans un prochain texte, j’envisagerai les raisons de cette évolution.