Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

acharnement therapeutique

Fin de vie : une logique d’adaptation de l’individu aux défaillances collectives

Publié le par Bernard Pradines

Voici la proposition de loi que je commente ci-après :

Extrait du texte personnel ci-dessous :

"Oui, nous avons besoin des autres tout au long de notre vie, encore davantage à ce moment-là. Au fond, vous devrez vous adapter à une société qui ne veut plus s’occuper de vous car vous êtes devenu à la fois coûteux, inutile et peu susceptible de voter lors des prochaines élections. Vous avez tout faux aux yeux d’une élite politique servile pour un système fondé sur la performance, la rentabilité et le profit."

Une nouvelle proposition de loi sera discutée en 2018 à l’assemblée nationale française.

Les soins palliatifs sont insuffisamment développés en France. Ainsi, un rapport du CNSPFV[1] portant sur l'année 2016 nous indique que moins de la moitié des patients hospitalisés en France ont bénéficié d’une nomenclature étiquetée « soins palliatifs » parmi ceux qui étaient en droit d’en bénéficier.

Après avoir dressé un constat souvent accablant des souffrances en fin de vie, la proposition qui nous est faite est celle de recourir à l’euthanasie ou au suicide assisté. Désormais, l’individu, confronté au déficit de soins et d’accompagnement, aurait le droit de mettre fin à ses jours lui-même ou bien avec l’aide d’une équipe médicale. Elle convient toutefois que le médecin ne serait pas contraint pour ce faire.

Les défenseurs de cette possibilité ont bien sûr des arguments discutables mais recevables, tels le cas d’Anne Bert, personne atteinte d’une sclérose latérale amyotrophique (maladie de Charcot) ayant opté pour une euthanasie en Belgique.

Où sont toutefois les principaux risques ?

A considérer qu’il vaut mieux mourir rapidement que d’être renvoyé de la clinique ou de l’hôpital-entreprise vers un EHPAD[2] qui vous éjectera vers les Urgences des hôpitaux adressant à nouveau souvent le mourant … en EHPAD par manque de place ; fini l’hébergement hospitalier pour ceux qui en ont besoin, place nette pour la « tarification à l’activité » (T2A) fondée sur les actes médicaux techniques.

A penser les décisions en fin de vie comme étant individuelles en flattant la toute-puissance de chaque patient confronté à la fin de sa vie, ce qui n’est le plus souvent qu’une illusion. Oui, nous avons besoin des autres tout au long de notre vie, encore davantage à ce moment-là. Au fond, vous devrez vous adapter à une société qui ne veut plus s’occuper de vous car vous êtes devenu à la fois coûteux, inutile et peu susceptible de voter lors des prochaines élections. Vous avez tout faux aux yeux d’une élite politique servile pour un système fondé sur la performance, la rentabilité et le profit.

A imaginer que la fin de vie, moment de fréquente grande souffrance, pourrait être rendue enviable par une loi. Et sans que des moyens concomitants soient attribués aux accompagnants professionnels et familiaux.

A croire que, en pratique, ce ne sont pas les familles qui se verront interpellées et donc impliquées dans une telle décision de fin de vie en l’absence de possibilité d’expression de la personne concernée. Bonjour la culpabilité.

Oui, l’écoute des patients est cruciale. Oui, il faut savoir utiliser et améliorer tous les moyens à disposition pour soulager les mourants. Oui, il faut mieux former et soutenir les soignants. Oui, il ne faut pas craindre les décès partiellement liés aux médicaments sédatifs qui apaisent ou à l’abstention d’obstination.

Non, il ne faut pas simplifier la question en faveur, consciemment ou non, d’une politique néolibérale qui ne pense qu’au travers du prisme des lois de l’économie actuelle dans tous les domaines de la vie.


[2] EHPAD : établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

Pour celles et ceux qui veulent signer le manifeste de la Société Française d'Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP).

Extrait : 

« Toutes ces valeurs fondent un choix de société : Non pas une société  ultra libérale de l’individu autonome, indépendant de tous, maîtrisant sa vie et sa mort mais une société de la solidarité et de l'interdépendance prête à secourir la fragilité, une société du Care. »

http://www.sfap.org/actualite/manifeste-de-la-sfap

Autres liens présents dans la publication ci-dessous, à verser au débat :

En savoir davantage sur Louis Puybasset, coauteur du texte précédent :

Quant à lui, Bernard Devalois est médecin responsable du service de Médecine Palliative, médecine de la Douleur du CHRD Pontoise, Directeur du Centre de Recherche Bientraitance et Fin de vie, auteur des "Mots de la fin de vie" Presses Universitaires du Midi (2016), ancien Président de la Société Française de Soins Palliatifs. Il est co-responsable pédagogique du Diplôme Universitaire de Soins Palliatifs de l'Université de Cergy-Pontoise.

L’auteur de l'article sur AgeVillage :

Partager cet article
Repost0

Communiquer un pronostic reste un exercice périlleux

Publié le par Louis Lacaze

Il arrive trop souvent qu’un médecin reporte le plus tard possible la discussion avec un malade à qui la médecine ne peut plus rien apporter. Retarder cette conversation ne va pas atténuer le choc qui va inévitablement se manifester. Lorsque le décès sera proche, le patient n’aura plus l’énergie de prendre les décisions importantes à ses yeux et regrettera de ne pas avoir pu réaliser ses derniers désirs.

Quelles sont les attentes du patient en fin de vie ? Il exige une franchise totale. Ne lui dites pas que vous ne pouvez pas deviner comment son cas va évoluer. Il ne va pas exiger une réponse définitive et catégorique mais il veut savoir quelles sont les probabilités de l’évolution de son état de santé en se basant sur les statistiques. Le patient veut se préparer à  envisager une issue positive ou négative. Il veut éviter les faux espoirs et les traitements inutiles.

L’information doit venir du médecin traitant, non d’un météore de passage qui ne sera pas écouté si le pronostic est pessimiste. Les mots doivent être choisis avec soin. Une information brutale ne peut plus être atténuée. Dire à un malade qu’on arrête la chimiothérapie, qu’il n’y a plus rien à faire, sortir de la chambre en le laissant en larmes manque pour le moins de subtilité. Une approche différente est suggérée : « la chimiothérapie n’est pas aussi efficace que nous l’espérions, elle est très pénible à supporter, nous allons arrêter le traitement pendant huit jours et nous ferons le point à ce moment-là ». Ce délai permettra au patient d’absorber le choc, de comprendre qu’il risque de perdre la bataille et de voir la réalité en face.

Un dernier point reste à souligner. Le patient a besoin de vous. Il sait que vous n’êtes pas la seule personne dont il doit s’occuper mais il doit être rassuré sur l’existence d’une totale collaboration entre les différentes personnes du service. Il ne doit  pas avoir la hantise de voir débarquer un inconnu qui ne l’a pas suivi et qui risque de ne pas suivre vos prescriptions.

Commentaires de Bernard Pradines : je partage les opinions exprimées dans la deuxième partie de ce texte. Je suis davantage réservé sur la première qui trace une voie trop univoque et pas assez personnalisée. Elle nous montre un chemin désirable mais loin d'être toujours réalisable.

Source : Linda Haller

Partager cet article
Repost0

<< < 10 20 21 22 23 24 25 26 27 28 > >>