Etablissement américain pour personnes âgées : le quotidien d’un résident
Un résident auteur d’un blog donne son point de vue sur les conditions de vie dans une institution américaine. Judith Graham, journaliste du New York Times a donné à Martin Bayne l’occasion de s’exprimer.
En voici de larges extraits.
Q. –Vous souffrez ?
R. –Je souffre 80% du temps. Mais ce n’est rien par rapport à la souffrance psychologique.
Q. – Que voulez-vous dire ?
R. – On se répète continuellement « tout va bien, pas de problème.» Mais, tout au fond de nous, nous savons que tout ne va pas bien. Le cauchemar de l’anxiété, de la dépression me hante en permanence. Et je ne suis pas le seul. C’est le cas de tout le monde autour de moi. Mais personne ne veut parler de la douleur qu’il ressent. Personne ne veut dire à quel point il se sent seul, oublié du monde qui l’entoure.
Q. –Que peut-on faire ?
R. –Quelquefois il suffit de toucher une main, une épaule. De ramasser une fourchette que quelqu’un a laissé tomber à la salle à manger. De s’assoir simplement à côté de quelqu’un. D’essayer de soulager celui qui souffre. Ces petites choses sont de petites victoires. Je touche les autres chaque fois que j’en ai l’occasion. Les hommes ont besoin d’être touchés. On ne les touche jamais. C’est contraire à nos usages. Quand vous les touchez, vous établissez une connexion magique.
Q. – Que pensez- vous des visiteurs (en France : bénévoles) ? Apportent-ils quelque chose ?
R. – J’ai rencontré des gens formidables. Quand ils franchissent la porte, ils n’ont aucune idée de ce qu’ils ont sous les yeux. Ils sont dans un monde, nous sommes dans un autre. Par conséquent on se contente de parler de petits riens. S’ils vous disent « comment vous sentez vous aujourd’hui ? Vous avez dragué les infirmières ? » C’est mieux que de vous dire : « j’ai entendu dire que vous alliez mourir. Est-ce que peux faire quelque chose pour vous ? »
Q. – Que feriez-vous si vous aviez les pleins pouvoirs ?
R. – Quand quelqu’un viendrait dans l’intention de s’inscrire, on l’installerait avec dix autres résidents et on lui demanderait : "qu’est-ce qui vous passionne dans la vie ? Qu’est-ce qui vous intéresse ? Que voulez-vous faire de votre vie ?" Si vous n’avez pas de réponse à ces questions on ne vous veut pas. Ici nous voulons former une communauté vivante.
Ensuite, on vous ferait visiter les lieux. On vous ferait comprendre que vous êtes quelqu’un d’important pour nous. On vous trouverait un travail à faire, quelque chose qui pourrait être très simple mais avec une responsabilité de tous les jours.
Et toutes les semaines on se réunirait. On parlerait de ce qui nous paraît important. On établirait un contact physique, on danserait. On ferait de l’exercice tous les jours, c’est très important : montrez que vous voulez profiter le plus possible des jours qui vous restent à vivre. Pour la même raison, trouvez-vous de vraies activités intellectuelles ! Pas de celles qui ne font que tuer le temps avant le grand départ.
Q. – Et ce sentiment de désespoir ?
R. – Il y en aura toujours. Il y aura toujours des gens qui comme moi ont connu une vie formidable. Et qui maintenant essaient de garder la tête hors de l’eau à côté de gens qui meurent constamment, qui perdent la raison. Quand ça devient insupportable vous devez vous trouver une occupation. Moi j’ai mon ordinateur et j’écris.
Q. – Voyez- vous des signes d’amélioration possible ?
R. – Les choses changeront vraiment quand le personnel ne sera pas sous-payé, qu’il sera plus nombreux. Qu’on traitera les soignants comme des êtres humains, comme nous aimerions qu’on nous traite, nous. Sans ça, on n’avancera pas.
Source : http ://newoldage.blogs.nytimes.com/2013/03/20/how-to-live-in-assisted-living/
Le blog de Martin Baynes : http://thevoiceofagingboomers.com/