Réalité et signalement
Le manque cruel de personnel soignant dans nos établissements a des conséquences parfois insoupçonnées. C’est pourquoi j’ai répertorié quelques situations anormales chez les résidents qui m’étaient rapportées de manière variable -comme médecin- par des personnels en difficulté face à des pathologies ou à des modifications de comportement. A la charge du lecteur d’en produire d’autres.
Une attitude rééducative ou stimulante, un « laisser faire la personne » au lieu de « faire à sa place» sont bien plus consommateurs de temps. Pire, la cotation tarifaire de la dépendance est en faveur du patient âgé grabataire, non de celui que l’on veut et peut dynamiser. Le risque est donc grand de « rater » une aggravation de la dépendance.
Une agitation sera plus aisément rapportée qu’un comportement trop calme. Comment ne pas comprendre que des cris nocturnes soient à la fois plus faciles à repérer et plus perturbants pour l’entourage qu’une altération anormale de la conscience ? Diminuer un traitement sédatif est toujours plus mal accepté que l’instituer.
Un poids excessif ou une prise de poids poseront davantage de problèmes de manutention que la fréquente perte de poids qui, elle, est perçue confusément comme un allègement de la charge quotidienne, surtout devant une personne obèse. Un appétit augmenté de manière pathologique sera donc potentiellement plus remarqué qu’une discrète anorexie.
Une diarrhée pourra être plus facilement signalée qu’une constipation. En effet, la première donnera davantage de travail que la seconde en termes de maintien de la propreté de la personne : changements du linge de corps et toilettes cutanées.
En conclusion, je ne prétends pas que les tendances décrites ci-dessus sont forcément conscientes et volontaires, ou même systématiques, ce qui serait une grave et injuste accusation.
Non, aussi longtemps que nous souffrirons d’une pénurie de personnels, il faudra simplement en tenir compte.