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Le plus ancien appareil médical du médecin

Publié le par Louis Lacaze

Le plus ancien appareil médical du médecin

Elvin Geng, chef d’une clinique de virologie spécialisée dans le sida comptait dans sa patientèle un homme qui refusait de recevoir un traitement contre le VIH. Pour ce malade, ceci était inutile dans le meilleur des cas et au pire toxique.

Le patient pouvait citer des études de virologues défendant leur thèse et discrédités par la suite, des publications affirmant que le VIH avait été créé par la CIA et affirmer que la science était au service des grands laboratoires pharmaceutiques.

Geng comprit qu’avec sa formation professionnelle il pouvait juger de la rigueur d’une argumentation scientifique mais que ce n’était pas le cas de l’ensemble de la population. Il modifia la logique de son argumentation.

Il rendit visite à son patient placé dans un hospice, structure médicale américaine qui accueille les malades n’ayant plus que quelques mois d’espérance de vie et lui demanda s’il tenait à rester là et à mourir.  Il lui déclara : « Je sais que vous avez été témoin de bien des erreurs et d’affirmations fausses, je comprends votre point de vue, mais je vous certifie que j’ai soigné beaucoup de patients aussi mal en point que vous qui maintenant se portent bien depuis des années. Vous pouvez me croire. » Comme le patient restait silencieux le médecin a poussé son avantage : « Acceptez-vous de commencer le traitement ? » Il fut stupéfait de l’entendre répondre positivement. Geng prescrivit une première dose de médicament puis observa le patient en train de l’avaler. Le traitement fut poursuivi avec succès jusqu’à obtenir une charge virale indétectable.

Cette défiance envers l’efficacité de la médecine allopathique est loin d’être nouvelle. Les médecins surestiment l’efficacité du raisonnement, de la logique, de l’exposé de faits, de la validité des résultats d’études bien conduites. Ils s’attendent à voir le public réagir de façon rationnelle alors que celui-ci n’est convaincu que par les gens en qui il a confiance, crédit qui relève davantage de l’émotionnel que du rationnel. Les médecins référents ont une carte à jouer, ce sont eux qui connaissent le mieux les préférences, les particularités, les espoirs et les craintes de leurs patients. C’est en ajoutant un nouveau maillon à la chaine de confiance patient-médecin qu’on peut espérer vaincre le déni, plaie du tissu social.

Commentaires de Bernard Pradines :

La crise pandémique récente et actuelle nous offre un merveilleux observatoire du phénomène décrit ci-dessus. La peur collective et individuelle de la maladie et de la mort a généré toutes sortes de croyances et de réactions qui sont les symptômes du niveau de connaissance d’une société à un moment donné de son évolution. Mieux, la complexité des problèmes posés ouvre la voie à des appréciations alternatives qui sont les bienvenues face à l’échec temporaire et partiel de la médecine scientifique. Qui connait un peu le monde de la recherche et de la médecine sait les défis posés à la « médecine fondée sur la preuve », surtout en situation d’urgence. Qui n’a pas côtoyé le monde de la médecine ne soupçonne pas les luttes d’influence et les concurrences pour s’attribuer les mérites de telle ou telle découverte plus ou moins confirmée, fût-elle seulement conceptuelle. Les ravages de l’économie de marché incontrôlée ouvrent quant à elles la voie à toutes les croyances quant à la toxicité de la « main invisible » ici représentée surtout par Big Pharma. La médecine n’est pas isolée, pure, neutre et idéale. Elle est traversée par son époque, pour le meilleur et pour le pire.

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Publié le par Bernard Pradines

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